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28 avril 2017

TA Polynésie française, 28 avril 2017, SARL Polydial et autres, n° 1600416, 1600501

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LA POLYNÉSIE FRANÇAISE

SARL POLYDIAL et autres

Nos1600416, 1600501

Audience du 18 avril 2017

Lecture du 28 avril 2017

Vu les procédures suivantes :

I°) Par une requête enregistrée le 12 août 2016 sous le n° 1600416, présentée par la SELARL Froment-Meurice et Associés, société d’avocats, la société à responsabilité limitée (SARL) Tahiti Nephro 1 et la SARL Tahiti Nephro 2 doivent être regardées comme demandant au tribunal :

1°) d’annuler les articles 2 à 6 de l’arrêté n° 4770 MSR du 8 juin 2016 autorisant l’association polynésienne pour l’utilisation du rein artificiel (APURAD) à exercer sur le site du centre hospitalier de la Polynésie française (CHPF) dénommé La Rotonde l’activité de soins « traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale » selon la modalité « hémodialyse en unité de dialyse médicalisée » pour prendre en charge annuellement 48 patients ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 500 000 F CFP  au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les sociétés requérantes soutiennent que :

- l’arrêté est entaché d’incompétence ;

- l’autorisation a été accordée postérieurement à l’installation de l’activité de dialyse de l’APURAD au CHPF, en méconnaissance des dispositions de l’article 26 de la délibération n° 202-169 du 12 décembre 2002 ;

- la note de synthèse du 6 octobre 2016 insiste sur le fait que le positionnement idéal des unités de dialyse médicalisée serait à Faa’a et au niveau de la presqu’île de Tahiti, de sorte que l’autorisation accordée à l’APURAD est entachée d’erreur manifeste dans l'appréciation des besoins de la population ;

 - l’arrêté autorise l’APURAD à exercer une activité pour laquelle elle bénéficiait d’une autorisation d’occupation des locaux du CHPF et de financements de l’agence française de développement, partenaire de la Polynésie française ; ainsi, il constitue une procédure déguisée de délégation de service public, ce qui l’entache de détournement de procédure ;

- l’arrêté entérine un traitement de faveur au bénéfice de l’APURAD qui bénéficie d’un quasi monopole de fait concernant les unités de dialyse médicalisées ; il est illégal en raison de ses effets anticoncurrentiels.

Le mémoire présenté pour les SARL Tahiti Nephro 1 et Tahiti Nephro 2, enregistré postérieurement à la clôture de l’instruction le vendredi 14 avril 2017, jour férié en Polynésie française, n’a pas été communiqué.

Par un mémoire enregistré le 29 septembre 2016, présentée par Me Marchand, avocat, l’APURAD conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire au report dans le temps les effets d’une éventuelle annulation, et demande au tribunal de mettre à la charge des SARL Tahiti Nephro 1 et Tahiti Nephro 2 une somme de 300 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- aucune pièce n’est produite pour justifier de la capacité à agir des sociétés requérantes ;

- les SARL Tahiti Nephro 1 et 2 n’ont pas intérêt à agir du fait de la zone géographique concernée ; en tout état de cause, leur intérêt à agir n’est pas légitime ;

- les moyens ne sont pas fondés ;

- eu égard à la nécessité de ne pas priver les patients du traitement vital dont ils ont besoin, il est demandé de différer l’entrée en vigueur d’une éventuelle annulation.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2016, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

- la requête est tardive ;

- à titre subsidiaire : les moyens ne sont pas fondés.  

Vu les autres pièces du dossier.

II°) Par une requête enregistrée le 4 octobre 2016 sous le n° 1600501, présentée par la SELARL Fenuavocats, la SARL Polydial demande au tribunal :

1°) d’annuler les articles 2 à 6 de l’arrêté n° 4770 MSR du 8 juin 2016 autorisant l’APURAD à exercer sur le site du CHPF dénommé La Rotonde l’activité de soins « traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale » selon la modalité « hémodialyse en unité de dialyse médicalisée » pour prendre en charge annuellement 48 patients ;

2°) de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 150 000 F CFP  au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société requérante soutient que :

En ce qui concerne la légalité externe :

- la période de dépôt des demandes d’autorisation a été ouverte sans publication préalable d’un indice des besoins, en méconnaissance des dispositions de l’article 23 de la délibération n° 2002-169 du 12 décembre 2002, alors que le schéma d’organisation sanitaire (SOS) n’était plus en vigueur depuis le 31 décembre 2012 et que la carte sanitaire, dont la procédure de révision impose la consultation de la commission d’organisation sanitaire (COS), était obsolète depuis le 20 juillet 2010 ; ainsi, la procédure initiée par l’arrêté n° 526 PR du 17 août 2015 est viciée ;

- les autres candidats ont été destinataires dès le mois d’octobre 2015 d’une note d’analyse des besoins qui ne lui a été communiquée que le 26 janvier 2016, en méconnaissance du principe d’égalité ;

- la publication en cours d’instruction des demandes du SOS 2016-2021 dont les orientations sont différentes de celles de la note du 6 octobre 2015 imposait de reprendre la procédure ;

- l’administration a accordé les autorisations sans étude technico-économique des demandes, sans examen du respect des normes sanitaires des locaux d’accueil, et dans certains cas alors que l’exploitation avait commencé, en méconnaissance des dispositions de la délibération n° 2002-169 du 12 décembre 2002 ;

En ce qui concerne la légalité interne :

- l’autorisation délivrée par l’arrêté attaqué est fondée sur une définition des besoins de la population obsolète, non validée et incompatible avec le SOS 2016-2021 qui a valeur réglementaire ;

- l’arrêté attaqué est entaché d’erreur de droit  en tant qu’il accorde une autorisation pour un nombre de patients à traiter défini selon une fourchette haute et basse, ce qui porte atteinte au libre choix du patient et à la liberté de prescription du médecin ;

 - l’arrêté attaqué est entaché d’erreur manifeste d'appréciation.

Le mémoire présenté pour la SARL Polydial, enregistré postérieurement à la clôture de l’instruction le vendredi 14 avril 2017, jour férié en Polynésie française, n’a pas été communiqué.

Par un mémoire enregistré le 5 décembre 2016, présentée par Me Marchand, avocat, l’APURAD conclut à titre principal au rejet de la requête et à titre subsidiaire au report dans le temps les effets d’une éventuelle annulation, et demande au tribunal de mettre à la charge de la SARL Polydial une somme de 300 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la SARL Polydial n’a pas intérêt à agir du fait de la zone géographique concernée ;

- les moyens ne sont pas fondés ;

- eu égard à la nécessité de ne pas priver les patients du traitement vital dont ils ont besoin, il est demandé de différer l’entrée en vigueur d’une éventuelle annulation.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2016, la Polynésie française conclut au rejet de la requête.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la légalité externe :

- dès lors que l’arrêté n° 526 CM du 21 juillet 2005 ne fixe aucun indice pour l’activité de traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale (IRCT), la publication d’un bilan de la carte sanitaire faisant apparaître les besoins non satisfaits n’était pas nécessaire ; en l’absence de carte sanitaire, il appartient à l’administration de procéder à l’évaluation des besoins de santé en se fondant sur les éléments de fait dont elle dispose ; ainsi, la période de dépôt des demandes a été régulièrement ouverte ;

- la note de synthèse du 6 octobre 2015, dépourvue de valeur juridique, a été adressée pour information aux opérateurs connus de l’administration au moment de l’ouverture de la fenêtre de dépôt des demandes ; l’administration l’a fait parvenir le 25 janvier 2016 à la SARL Polydial qui a modifié sa demande ;

- les recommandations de la note du 6 octobre 2015 sont conformes aux préconisations du SOS 2016-2021 ;

- le SOS 2016-2021, entré en vigueur au cours de la période d’instruction, était applicable aux dossiers en cours d’instruction (CE 26 juin 1996 n° 131270) ; il préconise d’augmenter l’offre de dialyse afin de traiter une centaine de patients supplémentaires en 5 ans, avec une répartition de l’offre entre les différentes techniques privilégiant les modes les plus efficients, ce qui est respecté par les autorisations accordées ;

- chaque demande d’autorisation a fait l’objet d’une étude médico-économique avec un rapport coût-bénéfice ; les conditions relatives à la sécurité des patients sont réexaminées lors de la visite de conformité prévue à l’article 26 de la délibération n° 2002-169 APF du 12 décembre 2002 ;      

En ce qui concerne la légalité interne :

- les besoins de la population ont été définis au regard de l’enquête réalisée en juillet 2014 sur le traitement de l’insuffisance rénale ;

- l’octroi d’autorisations avec un nombre minimal et un nombre maximal de patients, imposé par l’article 3 de l’arrêté n° 194 CM du 4 février 2009, est légal ;

- les autorisations accordées correspondent à des projets qui respectent le SOS 2016-2021 et répondent aux besoins de la population.   

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ;

- la délibération n° 2002-169 APF du 12 décembre 2002 ;

- l’arrêté n° 283 CM du 6 mars 2003 ;

- l’arrêté n° 527 CM du 21 juillet 2005 ;

- l’arrêté n° 194 CM du 4 février 2009 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l’audience.

Ont été entendus au cours de l’audience publique :

- le rapport de Mme Meyer, première conseillère,

- les conclusions de M. Retterer, rapporteur public,

- les observations de Me Algan, représentant les SARL Tahiti Nephro 1 et Tahiti Nephro 2, celles de Me Dubois, représentant la SARL Polydial, celles de M. Le Bon, représentant la Polynésie française et celles de Me Marchand, représentant l’APURAD.

1. Considérant qu’une période de deux mois pour le dépôt des demandes d’autorisation d’exercice de l’activité de soins de traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale (IRCT) a été ouverte du 1er octobre au 30 novembre 2015 par un arrêté n° 526 PR du 17 août 2015 ; que 13 dossiers ont été déposés et ont donné lieu à 12 autorisations, notamment au bénéfice des SARL Tahiti Nephro 1 et Tahiti Nephro 2, et au rejet de la demande de la SARL Polydial par arrêtés du 24 mai 2016 ; que par de nouveaux arrêtés du 8 juin 2016, le ministre de la santé et de la recherche de la Polynésie française a retiré les autorisations accordées le 24 mai, en a accordé de nouvelles aux mêmes opérateurs, et a rejeté une seconde fois la demande de la SARL Polydial ; que les sociétés requérantes demandent l’annulation de l’arrêté n° 4770 MSR du 8 juin 2016 en tant que, par ses articles 2 à 6, il autorise l’APURAD à exercer sur le site du CHPF dénommé La Rotonde l’activité de soins « traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale » selon la modalité « hémodialyse en unité de dialyse médicalisée » pour prendre en charge annuellement 48 patients ;

Sur la jonction :

2. Considérant que les requêtes de la SARL Polydial et des SARL Tahiti Nephro 1 et Tahiti Nephro 2 sont dirigées contre le même arrêté et ont fait l’objet d’une instruction commune ; qu’il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement ;

Sans qu’il soit besoin de statuer sur la recevabilité ni sur les moyens de la requête n° 1600416 :

Sur la fin de non-recevoir opposée par l’APURAD pour la requête n° 1600501 :

3. Considérant que la Polynésie française, qui n’a pas publié les besoins auxquels les demandes d’autorisation d’exercice de l’activité de traitement de l’IRCT devaient satisfaire, n’a posé aucune condition relative à la situation géographique des projets ; que la demande de la SARL Polydial portait sur l’exercice de l’activité de traitement de l’IRCT selon les modalités de l’hémodialyse en centre, en unité de dialyse médicalisée, en unité d’autodialyse assistée et de la dialyse à domicile, à terme dans un futur pôle privé de santé à Punaauia, et dans un premier temps dans les locaux de la clinique Cardella à Papeete ; qu’elle se trouvait ainsi partiellement en concurrence avec le projet autorisé par l’arrêté attaqué ; que la distance entre les lieux d’implantation du projet autorisé et de celui de la SARL Polydial est sans incidence sur l’intérêt à agir de cette dernière ;

Sur les conclusions à fin d’annulation :

4. Considérant, en premier lieu, qu’aux termes de l’article 1er de la délibération du 12 décembre 2002 relative à l’organisation sanitaire de la Polynésie française : « La carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire ont pour objet de prévoir et de susciter les évolutions nécessaires de l’offre de soins, en vue de satisfaire de manière optimale la demande de santé. / A cette fin, la carte sanitaire détermine la nature et, s’il y a lieu, l’importance des installations et activités de soins nécessaires pour répondre aux besoins de la population. / Le schéma d’organisation sanitaire fixe des objectifs en vue d’améliorer la qualité, l’accessibilité et l’efficience de l’organisation sanitaire dans le respect de la maîtrise de l’évolution des dépenses de santé. / La carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire sont déterminés sur la base : / 1° d’une mesure des besoins de la population et de leur évolution ; / 2° des progrès des techniques médicales ; / 3° des orientations du plan pour la santé ; / 4° des objectifs des programmes de prévention ; / 5° d’une analyse quantitative et qualitative de l’offre de soins. / (…) / La carte sanitaire et le schéma d’organisation sanitaire peuvent être révisés à tout moment. Ils le sont au moins tous les cinq ans. » ; qu’aux termes de l’article 2 de la même délibération : « La carte sanitaire détermine : / (…) / 2° La nature et l’importance : / (…) d) Des activités de soins d’un coût élevé ou nécessitant des dispositions particulières dans l’intérêt de la santé publique. / La carte sanitaire est fixée par arrêté pris en conseil des ministres après avis de la commission de l’organisation sanitaire (…) » ; qu’aux termes de l’article 3 de l’arrêté du 21 juillet 2005 déterminant le champ de  la carte sanitaire : « En application de l’article 2-2° de la délibération du 12 décembre 2002 (…), la carte sanitaire comporte : / (…) / III Les activités de soins énumérées ci-après : / (…) / 9 - Traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale ; / (…) / La durée de validité des autorisations des activités de soins visées ci-dessus est fixée à cinq ans. » ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu’aux termes de l’article 6 de la délibération du 12 décembre 2002 : « Il est créé une commission de l’organisation sanitaire chargée de donner un avis consultatif sur toutes les questions relatives à l’organisation et à l’équipement sanitaires. / La commission de l’organisation sanitaire est obligatoirement consultée sur : / a) la réglementation relative à l’organisation sanitaire, notamment le schéma d’organisation sanitaire, la révision et le bilan de la carte sanitaire (…) » ; qu’aux termes de l’article 7 de la même délibération : « La commission de l’organisation sanitaire est composée des membres suivants : / - le ministre chargé de la santé, président ; / - le directeur de la santé ou son suppléant, membre ; / - un médecin de l’administration centrale de la direction de la santé ou son suppléant médecin de l’administration centrale de la direction de la santé, désignés par le directeur de la santé, membre ; / - un médecin d’une subdivision déconcentrée de la direction de la santé ou son suppléant médecin d’une subdivision déconcentrée de la direction de la santé, désignés par le directeur de la santé, membre ; / - le directeur de la Caisse de prévoyance sociale ou son suppléant, membre ; / - un médecin-conseil de la Caisse de prévoyance sociale ou son suppléant médecin, désignés par le directeur de la Caisse de prévoyance sociale, membre ; / - le directeur d’un établissement de santé public ou son suppléant, désignés sur proposition du ministre chargé de la santé, membre ; / - le président de la commission médicale d’établissement d’un établissement de santé public ou son suppléant, désignés sur proposition du ministre chargé de la santé, membre ; / - le directeur d’un établissement de santé privé ou son suppléant, désignés par leurs pairs, membre ; / - le président de la commission médicale d’établissement d’un établissement de santé privé ou son suppléant, désignés par leurs pairs, membre ; / - un représentant de la médecine générale ambulatoire ou son suppléant, désignés par le conseil de l’ordre de la Polynésie française, membre ; / - le président du conseil de l’ordre des médecins de la Polynésie française ou son suppléant, membre ; / - deux représentants des usagers des institutions et établissements de santé ou leurs suppléants, désignés sur proposition du ministre chargé de la santé, membres ; / - deux conseillers territoriaux ou leurs suppléants,membres. (…) » ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu’aux termes de l’article 17 de la délibération du 12 décembre 2002 : « Sont soumis à autorisation les projets relatifs à : / (…) / 3°) La mise en œuvre, la transformation ou l’extension des activités de soins prévues à l’article 2-2° d) / (…) » ; qu’aux termes de l’article 23 de la même délibération : « Les demandes d’autorisation (…) portant sur des (…) activités de soins (…) sont reçues au cours de périodes déterminées afin d’être examinées sans qu’il soit tenu compte de l’ordre de dépôt des demandes. / (…) / Dans le mois qui précède le début de chaque période, pour chaque installation ou activité de soins pour lesquelles les besoins de la population sont mesurés par un indice, un bilan de la carte sanitaire faisant apparaître les besoins non satisfaits est publié au Journal officiel de la Polynésie française. / Les périodes de demande ou de renouvellement d’autorisation ainsi que le bilan de la carte sanitaire sont fixés par arrêté du Président du gouvernement. » ; qu’aux termes de l’article 25 de cette délibération : « L’autorisation est accordée, selon les modalités fixées par l’article 24, lorsque le projet : / 1° Répond aux besoins de la population tels qu’ils sont définis par la carte sanitaire (…) » ;

7. Considérant qu’il résulte de la combinaison des dispositions citées aux points 4, 5 et 6 que la délivrance d’autorisations d’exercer l’activité de soins de traitement de l’IRCT a pour objet de répondre aux besoins de la population tels qu’ils sont définis par la carte sanitaire dans le respect des objectifs du schéma d’organisation sanitaire (SOS), et quantifiés par un bilan de la carte sanitaire faisant apparaître les besoins non satisfaits qui doit être publié au journal officiel de la Polynésie française dans le mois précédant la période de dépôt des demandes ; que l’ouverture de cette période constitue ainsi l’aboutissement d’un processus de définition des besoins de la population qui commence par la fixation par le SOS des objectifs destinés à améliorer la qualité, l’accessibilité et l’efficience de l’activité de soins de traitement de l’IRCT dans le respect de la maîtrise de l’évolution des dépenses de santé et se poursuit par la détermination, par la carte sanitaire, de la nature et de l’importance des structures nécessaires, après consultation de la COS qui représente les professionnels, organismes et usagers intéressés ; qu’enfin, la comparaison de l’état de réalisation de la carte sanitaire en vigueur et de l’offre de soins existante permet à l’autorité administrative de définir les besoins non satisfaits auxquels doivent répondre les demandes présentées par les opérateurs ;

8. Considérant que les dispositions de l’article 23 de la délibération du 12 décembre 2002 citées au point 6 imposent la publication d’un bilan de la carte sanitaire faisant apparaître les besoins non satisfaitspour chaque activité de soins pour laquelle les besoins de la population sont mesurés par un indice ; qu’il ressort des pièces du dossier que la direction de la santé de la Polynésie française évalue les besoins de la population en matière de traitement de l’IRCT en rapportant le nombre de patients à traiter au nombre de postes de dialyse nécessaires à leur prise en charge, ce qui peut aisément se traduire par un indice de nombre de postes pour 1 000 habitants, de même nature que les indices de nombre de places pour 1 000 habitants fixés pour les activités de neurochirurgie et de néonatologie par un arrêté n° 526 CM du 21 juillet 2005 ; que la carence de la Polynésie française à fixer par arrêté un indice des besoins pour l’activité de traitement de l’IRCT est sans incidence sur son obligation de publier un bilan de la carte sanitaire faisant apparaître les besoins non satisfaits préalablement à l’ouverture de la période de dépôt des demandes d’autorisation ;

9. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier, et notamment du rapport présenté à la COS le 7 juillet 2015, que l’ouverture d’une période de dépôt de demandes d’autorisation était destinée à mettre fin à l’exercice sans autorisation de cette activité par les structures existantes, et à permettre à d’autres opérateurs de manifester leurs intentions éventuelles ; que l’arrêté du 17 août 2015 a été publié à cet effet alors que le SOS 2003-2007, prolongé jusqu’en 2012, n’était plus en vigueur, et que la Polynésie française n’était pas dotée d’une carte sanitaire fixée par arrêté en conseil des ministres ; que les besoins de la population ont été déterminés unilatéralement par une note du directeur de la santé du 6 octobre 2015, communiquée aux opérateurs connus de l’administration ; qu’ainsi, la procédure d’autorisation d’exercer l’activité de soins de traitement de l’IRCT a été engagée selon des modalités irrégulières, susceptibles d’avoir exercé une influence sur le sens des décisions prises dès lors que les besoins de la population ont été définis indépendamment de tout document de planification sanitaire, et qui ont, pour ce motif, privé d’une garantie les intéressés ;

10. Considérant qu’il résulte de ce qui précède que la SARL Polydial est fondée à demander l’annulation des articles 2 à 6 de l’arrêté n° 4770 MSR du 8 juin 2016 autorisant l’APURAD à exercer sur le site du CHPF dénommé La Rotonde l’activité de soins « traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale » selon la modalité « hémodialyse en unité de dialyse médicalisée » pour prendre en charge annuellement 48 patients ;

Sur les conséquences de l’illégalité de l’autorisation accordée à l’APURAD :

11. Considérant que l’annulation d’un acte administratif implique en principe que cet acte est réputé n’être jamais intervenu ; que, toutefois, s’il apparaît que cet effet rétroactif de l’annulation est de nature à emporter des conséquences manifestement excessives en raison tant des effets que cet acte a produits et des situations qui ont pu se constituer lorsqu’il était en vigueur, que de l’intérêt général pouvant s’attacher à un maintien temporaire de ses effets, il appartient au juge administratif - après avoir recueilli sur ce point les observations des parties et examiné l’ensemble des moyens, d’ordre public ou invoqués devant lui, pouvant affecter la légalité de l’acte en cause - de prendre en considération, d’une part, les conséquences de la rétroactivité de l’annulation pour les divers intérêts publics ou privés en présence et, d’autre part, les inconvénients que présenterait, au regard du principe de légalité et du droit des justiciables à un recours effectif, une limitation dans le temps des effets de l’annulation ; qu’il lui revient d’apprécier, en rapprochant ces éléments, s’ils peuvent justifier qu’il soit dérogé au principe de l’effet rétroactif des annulations contentieuses et, dans l’affirmative, de prévoir dans sa décision d’annulation que, sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de cette décision contre les actes pris sur le fondement de l’acte en cause, tout ou partie des effets de cet acte antérieurs à son annulation devront être regardés comme définitifs ou même, le cas échéant, que l’annulation ne prendra effet qu’à une date ultérieure qu’il détermine (CE Assemblée 11 mai 2004 n° 255886, A) ;

12. Considérant qu’il ressort des pièces du dossier que les demandes déposées au cours de la période ouverte par l’arrêté du 17 août 2015 concernaient l’ensemble des structures de traitement de l’IRCT alors en activité sur le territoire de la Polynésie française, qui fonctionnaient sans autorisation, ainsi que des projets nouveaux dont l’autorisation s’avérait indispensable compte tenu de la saturation des structures existantes ; que par 11 décisions de ce jour rendues dans les affaires nos 1600494, 1600495, 1600496, 1600497, 1600498, 1600499, 1600500, 1600502, 1600503, 1600504 et 1600505, le tribunal a annulé, pour le même motif tiré de l’absence de publication d’un bilan de la carte sanitaire faisant apparaître les besoins non satisfaits, la totalité des autorisations d’exercer l’activité de soins de traitement de l’IRCT accordées à l’issue de la procédure irrégulièrement engagée par l’arrêté du 17 août 2015 ; que ces annulations ne peuvent faire revivre aucune autorisation antérieure ; qu’alors même que la Polynésie française l’a toléré durant de nombreuses années, l’exercice sans autorisation de l’activité de traitement de l’IRCT est illégal ; qu’il fait juridiquement obstacle au remboursement des soins par la caisse de prévoyance sociale, et, par voie de conséquence, à la continuité de soins présentant un caractère vital pour les patients concernés ; qu’ainsi, une annulation immédiate avec effet rétroactif serait de nature à emporter des conséquences manifestement excessives ; qu’eu égard à l’intérêt général qui s’attache à la continuité des soins dispensés aux patients, notamment par l’APURAD sur le site de La Rotonde, il y a lieu, afin de permettre à la Polynésie française de prendre les dispositions nécessaires pour accorder des autorisations conformes aux besoins de la population fixés par [le bilan de] la carte sanitaire qu’il lui appartient de définir au regard des objectifs du SOS 2016-2021, de ne prononcer l’annulation totale des articles 2 à 6 de l’arrêté n° 4770 MSR du 8 juin 2016 qu’à compter du 1er décembre 2017, sous réserve des droits des personnes ayant engagé des actions contentieuses à la date de la présente décision ;

Sur l’application de l’article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que l’APURAD est la partie perdante et qu’il y a seulement lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la Polynésie française une somme de 30 000 F CFP au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SARL Polydial ; que, par suite, le surplus des conclusions présentées par les parties au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative doit être rejeté ;

 

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 2 à 6 de l’arrêté n° 4770 MSR du 8 juin 2016 autorisant l’APURAD à exercer sur le site du CHPF dénommé La Rotonde l’activité de soins « traitement de l’insuffisance rénale chronique par épuration extrarénale » selon la modalité « hémodialyse en unité de dialyse médicalisée » pour prendre en charge annuellement 48 patients sont annulés.

Article 2 : Sous réserve des actions contentieuses engagées à la date de la présente décision contre les actes pris sur le fondement des articles 2 à 6 de l’arrêté n° 4770 MSR du 8 juin 2016, l’annulation prononcée à l’article 1er prendra effet à compter du 1er décembre 2017.

Article 3 : La Polynésie française versera à la SARL Polydial une somme de 30 000 F CFP au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la SARL Polydial, à la SARL Tahiti Nephro 1, à la SARL Tahiti Nephro 2, à la Polynésie française et à l'APURAD.

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